YÉTI
De multiples récits rapportent l’existence d’un humanoïde velu et sauvage dans l’Himalaya : le Yéti. Légende populaire ou réalité ?
Le yéti, est une créature anthropomorphe du folklore du Népal, de l’Inde, du Bhoutan et du Tibet. Être légendaire, peut-être né de l’observation de fossiles de Gigantopithèque par les populations himalayennes.
LES LÉGENDES
Une créature velue d’apparence simiesque, marchant debout, apparaît dans les légendes des peuples himalayens sous différentes appellations.
-
Yéti qui viendrait du mot yeh-teh qui désigne un « animal des rochers ». Le mot teh signifie plus précisément « ours » en tibétain.
-
meh-teh signifierait « homme-ours ».
-
dzu-teh, de «dzu », bovin, signifierait « ours-bovin » et désignerait l’ours Isabelle.
-
migoï ou mi-go signifierait « homme sauvage ».
-
mirka, serait un autre mot pour « homme sauvage ».
-
kang admi signifierait « homme des neiges ».
-
jobran signifierait « mangeur d’homme ».
Peinture contemporaine de deux yétis, executée par un sherpa. Ces représentations sont basées sur la légende du cannibale géant Metoh-kangmi, très répendue à travers le sud du Tibet. Source : Les animaux et le sacré, Éditions Albin Michel, Paris, 1995, p.145
Tout est déjà en place pour le mythe moderne du Yéti.
L’ABOMINABLE HOMME DES NEIGES
Il existe d’anciens récits sur le Yéti, mot qui désigne dans l’Himalaya un esprit de la montagne.
Cependant ce sont les photos d’empreintes prises en 1951 par l’alpiniste Eric Shipton qui ont réellement lancé la légende de « l’abominable homme des neiges ». Un sherpa de l’expédition affirma avoir vu un Yéti à moins de 25 m de distance. Il le décrivit comme un etre mi-homme mi-bete, mesurant 1.60 m avec une tete pointue et le corps recouvert d’un pelage brun-roux.
Eric Shipton a découvert cette empreinte de l’ « abominable homme des neiges » en 1951 et l’a prise en photo. Il a placé son piolet à côté afin de donner une idée de l’échelle. Photographie De Topical Press Agency, Getty. Source : nationalgeographic.fr
Le terrible Yéti s’attaque à des sherpas, illustration du journal Radar, 1954.
Des traces ont aussi été photographiées en mai 1955, lors de la première expédition française du Makalu. L’abbé Pierre Bordet, le géologue de l’expédition, a pu suivre ces traces sur plus d’un kilomètre et ainsi affirmer qu’elles avaient été produites par un animal bipède. Plusieurs de ces photographies ont été publiées dans l’édition de Paris Match no 337 du 10 septembre 1955. Ces photos ont inspiré l’auteur de bande dessinée Hergé dans son album Tintin au Tibet paru en 1960.
Couverture de Tintin au Tibet. ©Éditions Casterman.
HYPOTHÈSES
Les hypothèses les plus communément admises pour identifier le Yéti.
GIGANTHOPITHÈQUE
Le cryptozologue Bernard Heuvelmans a avancé l’hypothèse dès les années cinquante d’une survivance du Giganthopithèque (Gigantopithecus blacki), énorme singe fossile d’une taille estimée entre 2 et 3 m de haut et une masse de l’ordre de 200 à 500 kg qui vivait en Asie du Sud-Est (sud de la Chine, ainsi qu’au Viêt Nam, au nord de la Thaïlande et en Indonésie).
Comparaison de la taille de Giganthopithecus et d’Homo sapiens. (Wikimedia Commons).
Cette grande taille fait de cette espèce le plus grand primate connu qui ait jamais existé sur notre planète. On a retrouvé que des milliers de dents isolées et quelques rares mâchoires d’une grosseur impressionnante. Les restes retrouvés sont insuffisants pour dire si l’animal était bipède ou quadrupède.
Mandibule de gigantopithèque, Est de l’Asie. Musée d’histoire naturelle de Cleveland. (Wikimedia Commons).
La première preuve de l’existence de Gigantopithèque est venue de plusieurs dents étiquetées comme des « dents de dragon » achetées chez un apothicaire chinois à Hong Kong par l’anthropologue Ralph von Koenigswald en 1935. Ce singe géant serait apparu il y a un peu plus de 2 millions d’années et on perd sa trace voici à peu près deux cent quinze mille ans. Les dents de grande taille (deux fois plus grosse que celle d’un gorille) et les puissantes mâchoires suggère étaient généralement faites pour broyer une nourriture végétale coriace. On rapproche le régime de ces singes de celui des gorilles et des orang-outans (mais différent de celui du Panda géant), constitué presque intégralement de végétaux. D’après des études génétiques de 2019, le Gigantopithèque est un cousin préhistorique l’orang outan actuel. Le dernier ancêtre commun de cette espèce et des orang-outans remonterait à environ 10 à 12 millions d’années. Impossible de reconstituer l’animal d’après les dents et quelques mandibules, néanmoins certains le représentent comme un orang-outan surdimensionné, d’autres le dépeignaient comme un gorille géant de couleur noire.
Représentation hypothétique du Gigantopithecus blacki. (Wikimedia Commons).
En tous cas, la très grande taille de Gigantopithecus blacki et son régime particulier ont été considérés comme les causes de sa disparition lors des épisodes glaciaires qui ont drastiquement réduit le couvert forestier. Le Gigantopithèque trop spécialisé, s’est sans doute révélé incapable de satisfaire son énorme appétit végétarien quand la forêt s’est transformée en savane herbeuse.
CRYPTOZOOLOGIE ET MYTHOLOGIE
Pour expliquer les croyances qui entourent le Yéti, deux hypothèses entrent en concurrence.
En premier, la persistance à travers les âges du souvenir d’un être humanoïde dans la mémoire collective des autochtones, sous forme de légendes ou de contes, voire à travers certaines représentations picturales. C’est le point de vue des mythographes.
En second, la survivance réelle d’un hominidé géant dans les vastes étendus himalayennes. C’est le point de vue des cryptozoologues.
Les fossiles de Gigantopithèques sont extrêmement rares et on s’apercevra peut-être avec des découvertes à venir qu’il a survécu plus longtemps que ce qui est communément admis et qu’il a croisé Homo Sapiens. On sait maintenant que les mythes crées par l’être humain sont très anciens, élaborés il y a près de cent mille ans en Afrique et colportés au gré des migrations sur tous les continents. Si les populations himalayennes historiques ont rencontré le Gigantopithèque, ils ont transmis le souvenir d’un singe géant sur des générations. À l’instar des légendes sur l’île de Florès qui évoquent les minuscules Ebu Gogo, des créatures humanoïdes de petite taille (1 m de haut) qui marche dressée sur ses jambes (contrairement aux singes). Or en 2003, une équipe d’archéologues australiens a découvert sur cette île des ossements d’Homo floresiensis , un hominidé mesurant environ 1 mètre de haut et pesant entre 12 et 26 kg qui aurait vécu entre -100 000 et -60 000 ans.
D’autres supposent que l’observation de fossiles de Gigantopithèque (aujourd’hui perdus, et plus complets que les quelques dents et mandibules dont nous disposons), par ces populations, a aussi pu donner naissance au mythe du singe géant hantant les vallées perdues de l’Himalaya.
Les fossiles toutefois n’expliquent pas les photographies de traces de pas du Yéti.
En second ceux qui pense qu’un singe géant existe réellement dans l’Himalaya et qu’en en retrouve des traces jusqu’à aujourd’hui.
C’est pourquoi les cryptozoologues[1], tel Bernard Heuvelmans, pensent que les récits sur les « Hommes-des-neiges » se référaient à trois types d’hominidés inconnus : un « Homme sauvage » proche selon lui de l’Homme de Néandertal.
L’Homme de la Chapelle-aux-Saints, Homme de Néandertal. Cette image d’une homme sauvage proche du singe ne correspond plus aux connaissances scientifiques actuelles. Gravure de Kupka d’après les recherches de M. Boule, extrait du « Illustrated London News » 27 février 1909 © Mary Evans / Rue des Archives. Présentée sur la mezzanine de la Galerie de l’Homme, espace d’exposition permanent du musée.
Un « grand Yéti » proche selon lui du Gigantopithèque, et un « petit yéti » proche selon lui du Sivapithèque.
Cela fait quand même beaucoup de créatures inconnues, même pour une vaste étendue comme la chaine de l’Himalaya.
OURS
L’ours peut correspondre à la description du Yéti, un grand bipède velu, puisque qu’il est un des rares mammifères à pouvoir marcher sur ses pattes arrière et devenir ainsi très grand, entre 2 et 3 m de haut. Or des analyses ADN récentes de restes supposés de yétis montrent que cette créature mystérieuse serait en fait un ours des hautes montagnes de l’Asie.
La directrice de recherche Charlotte Lindqvist de l’université de Buffalo, à New York, et son équipe ont examiné neuf échantillons de supposés Yétis himalayens conservés dans des musées et collections particulières. Fragment d’os, dent, morceau de peau prélevé sur la patte d’un Yéti supposé, devenue une relique religieuse conservée dans un monastère, poils qui ont été collectés dans les montagnes de l’Himalaya et le plateau tibétain sur une longue période, allant de la fin des années 1930 à aujourd’hui.
Cet échantillon de poils a été décrit comme provenant d’un Yéti, qu’un prêtre jésuite avait aperçu dans les montagnes népalaises dans les années 1950. Photographie de Icon Films LTD Source : nationalgeographic.fr
Les échantillons les plus récents comprenaient des poils collectés au Népal par un éleveur nomade et un os de jambe trouvé par un guérisseur spirituel dans une grotte au Tibet.
Le fémur d’un supposé Yéti mis au jour dans une grotte au Tibet. Photographie de Icon Films. Source : nationalgeographic.fr
L’équipe scientifique a également réalisé des analyses génétiques de plusieurs sous-espèces d’ours originaires de la région, dont l’ours brun de l’Himalaya (Ursus arctos isabellinus), l’ours brun tibétain (Ursus thibetanus laniger). Au total, 24 échantillons ont été analysés. les 9 échantillons sensés provenir du Yéti ont révélé que huit d’entre eux provenaient de diverses espèces d’ours indigènes de la région et le neuvième provenant d’un chien.
Finalement, les analyses ont démontré que les ours bruns du Tibet sont des cousins proches des ours bruns d’Europe et d’Amérique du Nord, tandis que les espèces menacées d’ours bruns de l’Himalaya descendent eux d’une lignée plus ancienne qui aurait pu se diviser il y a 650 000 ans durant la glaciation.
L’ours bleu du Tibet (Ursus arctos pruinosus) est l’une des sous-espèces d’ours bruns les plus rares au monde. Il est également connu sous le nom d’ours brun tibétain, ou ours bleu de l’Himalaya, (Photo Milo Burchham).
En début d’article, nous avons repris plusieurs appellations traditionnelles du Yéti qui sont basées sur le mot « ours » : « homme-ours », « ours-bovin ». Donc l’idée qu’ils s’agisse d’un ours est sous-jacente en tibétain. Ce ne sont que des occidentaux qui ont voulu y voir un grand singe. Version beaucoup plus spectaculaire que celle mettant en scène un simple ours, aussi rare soit-il. Il reste les appellations « homme sauvage » ou « homme des neiges » qui peuvent s’expliquer par un tabou qui pèse sut le nom de l’ours, animal redouté par les populations. Son nom a été remplacé par des appellations populaires qui sont des euphémismes, comme « le brun » en germanique, « le mangeur de miel » en slave, « le grand-père de la forêt » en lapon et « bon veau » et « porc à miel » en gaélique irlandais.
Le mystère est-il résolu ?
En tout cas les légendes au Népal et au Tibet vont continuer à raconter qu’un mystérieux homme des neiges couvert de fourrure, appelé Yéti, sème la terreur dans les montagnes enneigées de l’Himalaya difficiles d’accès.
©JPS2024
ACCUEIL
Image mise en avant :
Timbre du Bhoutan représentant le Yéti, 1966.
BIBLIOGRAPHIE :
Michel Praneuf, Bestiaire ethno-linguistique des peuples d’Europe, Éditions L’Harmattan, Paris, 2001.
Les animaux et le sacré, Éditions Albin Michel, Paris, 1995
SOURCES :
Yéti — Wikipédia (wikipedia.org)
NOTES :
[1] La cryptozoologie : étude des animaux dont l’existence n’est pas prouvée scientifiquement.