LE CENTAURE
ORIGINE DES CENTAURES
Dans la mythologie grecque, un centaure est une créature mi-homme, mi-cheval. Les centaures sont les descendants d’Ixion, roi de Thessalie, qui a tenté de s’unir à la déesse Héra. Pour tromper Ixion, Zeus façonne un nuage ayant la forme d’Héra qui est nommée Néphélé (de nephos « nuage »). La ruse réussit et de cette union entre Ixion et Néphélé naît Centauros qui s’accouple ensuite avec les juments de Magnésie, donnant ainsi naissance aux centaures, des créatures magiques, mi-hommes mi-chevaux. On les représente comme des humains de la tête à la taille, greffés au-dessus du corps d’un cheval sans cou ni tête. Ces créatures hybrides allient la puissance et la vitesse du cheval à l’intelligence et aux émotions des hommes. Les centaures se nourrissent de viande crue et vivent dans les forêts de Thessalie. Leurs mœurs brutales, leur amour immodéré du vin et des femmes les rendent dangereux pour les mortels. Seuls deux d’entre eux, Pholos et Chiron, se distinguent de leurs semblables par leur bonté et leur sagesse exemplaire.
Parmi les plus célèbres centaures, il faut citer Chiron (centaure connu pour sa sagesse, qui sert de précepteur à de nombreux héros grecs dont Achille et Jason), Pholos (un centaure ami d’Héraclès) et Nessos (un centaure sauvage qui tente d’enlever l’épouse d’Héraclès Déjanire, avant d’être tué par lui).
Statuette d’un centaure. La blessure à la jambe infligée par Héraclès à Chiron, visible ici, permet d’identifier cette statue à Chiron. C’est la première représentation d’un centaure en trois dimensions. Vers 1000 av. J.-C., Musée archéologique d’Érétrie, Eubée, Grèce. (Wikimedia Commons).
Plusieurs mythes évoquent les centaures.
LES CENTAURES DANS LA MYTHOLOGIE
L’AGRESSION D’ATALANTE
Les deux centaures, Hyléos et Rhoécos veulent abuser de la vierge chasseresse Atalante, mais sont transpercés par ses flèches.
Gravure d’Atalante tuant les centaures Hyléos et Rhoécos,1841. (Wikimedia Commons).
LE COMBAT CONTRE LES LAPITHES
Les centaures du Mont Pélion ont pour voisins les Lapithes. Lors du mariage du roi des Lapithes Pirithoos avec Hippodamie, plusieurs centaures ivres, notamment Eurytion, tentent de violer Hippodamie. Un combat s’engage, au cours duquel de nombreux centaures sont tués.
Centaure combattant un Lapithe, métope du Parthénon, British Museum. (Wikimedia Commons).
LE COMBAT CONTRE HÉRAKLÈS
Tandis qu’il traque le sanglier d’Érymanthe, Héraclès est un temps l’hôte du centaure Pholos. Lors d’un repas le héros sent venir la soif en voyant un grand tonneau de vin. Héraklès exprime le souhait d’en boire, mais Pholos refuse car c’est un bien commun des centaures. Sur l’insistance du héros, il s’y résout. Les autres centaures, sentant l’odeur du vin, deviennent alors furieux et se jettent armés de lances et de massues sur Héraclès. Celui-ci leur tire dessus à l’aide de flèches empoisonnées et en tue plusieurs. Alors qu’il donne une sépulture aux centaures morts, Pholos se blesse avec l’une des flèches d’Héraclès, empoisonnée par le sang de l’hydre de Lerne et meurt.
Héraklès et Eurytion, détail d’un vase du VIe siècle av. J.C., Paul Getty Museum, Malibu. Source : theoi.com
Le héros poursuit les autres centaures.
MORT DE CHIRON ET DISPERSION DES CENTAURES
Les centaures, traqués par Héraclès, se réfugient chez Chiron. Le héros utilise ses flèches empoisonnées et en décoche une par erreur sur Chiron, son ancien tuteur. Celui-ci, rongé de douleurs, mais ne pouvant mourir parce qu’il est immortel, obtient finalement de Zeus que celui-ci lui retire son immortalité et meurt.
UN CENTAURE EXCEPTIONNEL
Contrairement aux autres centaures, Chiron est immortel, réputé pour sa grande sagesse et ses nombreuses connaissances. On lui confie l’éducation de nombreux héros qui deviennent ses disciples, notamment Achille, Héraclès, Asclépios et les Dioscures.
Chiron instruisant le jeune Achille. Fresque de l’Herculanum. (Wikimedia Commons).
NESSOS
Après la mort de Chiron et la dispersion des centaures, Nessos se fixe sur les bords du fleuve Événos. il vit en faisant payer la traversée aux voyageurs. Héraklès accompagné de sa femme Déjanire, cherche à traverser l’Événos. Nessos lui propose de se charger de Déjanire. Héraclès accepte, mais ayant traversé le fleuve, il entend les cris de sa femme dont Nessos essaie d’abuser sur l’autre rive. Il existe plusieurs retranscriptions du mythe. Lors d’un combat Héraklès étouffe le centaure Nessos ou dans une autre version le héros décoche une de ses flèches enduites du poison de l’Hydre de Lerne sur le centaure..
Héraklès combattant Nessos, amphore attique à figures noires, v. 620–610 av. J.-C., Musée national archéologique d’Athènes. (Wikimedia Commons).
UN CENTAURE DANS LE CIEL ÉTOILÉ
Dans la mythologie grecque, Crotos ou Krotos est un centaure, fils de Pan et Euphémé. Crotos est réputé pour être à la fois un excellent chasseur et un admirateur dévoué des Muses et de leurs arts. Il est considéré comme ayant inventé l’arc et être le premier à utiliser arc et des flèches pour chasser les animaux. Crotos en tant que centaure tirant à l’arc est devenu l’incarnation de la constellation du Sagittaire.
Constellation du Sagittaire, associée à Crotos. (Folio 52v du manuscrit des Aratea de Leyde). (Wikimedia Commons).
DES HOMMES-CHEVAUX
Les centaures sont décrit dans les mythes sous l’aspect d’hommes-chevaux. Une des explications de cette hybridation veut que pour les Grecs, les Thessaliens, habiles dans l’art de l’équitation, ne faisaient qu’un avec leurs montures. La même théorie a été avancée à propos des Scythes qui sont également à l’origine des Amazones, un peuple de femmes guerrières.
LE CHEVAL ANDROCÉPHALE DES CELTES
Il existe également chez les Celtes une créature mi-homme mi-cheval : le cheval androcéphale, c’est-à-dire le cheval à tête humaine. Ce motif est présent sur de nombreuses pièces de monnaies celtiques de l’Antiquité frappées par des peuples celtes établis sur la façade atlantique, surtout en Armorique (Vénètes, Aulerques Cénomans et Trévires). Il orne également un couvercle de cruche retrouvé à Reinheim dans l’ouest de l’Allemagne.
Statuette de cheval à tête humaine entourée de la double feuille de gui qui orne le couvercle de la cruche cérémonielle à bec de la tombe de la princesse de Reinheim, vers 400-450 av. J.-C., Sarre, Allemagne. Source : Venceslas Kruta, L’art des Celtes, Les Éditions Phaidon, Paris, 2015, p.60.
Le cheval androcéphale est un motif exclusivement celtique, doté d’une tête humaine masculine, sans buste ni bras, contrairement au centaure grec. Son pénis est généralement mis en évidence pour symboliser sa virilité. Plus rarement, il est figuré ailé ; c’est le cas chez les Aulerques Cénomans.
Cheval androcéphale ailé sur un statère en or des Cénomans, daté du Ier siècle av. J.-C. Description : cheval androcéphale galopant à droite, conduit par un aurige tenant devant lui un étendard (?), derrière, une roue du char est figurée, sous le cheval, un personnage est à terre. (Wikimedia Commons).
Ce n’est donc pas une créature inspirée de la mythologie grecque. Le cheval androcéphale est fréquemment figuré courant vers la droite, sur le revers des pièces de monnaie. Il peut aussi tirer un char. Il peut être accompagné de représentations de personnages terrassés sous ses sabots. Ces personnages sont souvent ailés. Enfin, le cheval androcéphale peut être guidé dans sa course folle par un aurige.
Cheval androcéphale sur un statère frappé par les Andécaves (région d’Angers) daté du Ier siècle avant J.-C. Description : cheval androcéphale galopant à droite, conduit par un aurige étendant la main gauche ; vexillum devant le cheval et un personnage ailé replié sur lui-même entre les jambes du cheval. (Wikimedia Commons).
La signification d’un tel attelage fantastique reste obscure.
LE CONDUCTEUR DES MORTS
Le cheval androcéphale de Reinheim dont la tête est ornée de deux feuilles de gui a été découvert dans le contexte d’une sépulture.
Gui (Viscum album) Planche Flore médicinale de Chaumeton 1828.
On peut avancer avec prudence l’idée que cet étrange cheval tient un rôle de « psychopompe », un animal chargé de porter les âmes des défunts vers l’Autre Monde. Ce rôle est attesté pour le cheval dans de multiples civilisations, notamment chez les Grecs et les Étrusques, où il fait partie du statuaire mortuaire. Le cheval permet de pénétrer dans le monde des défunts, tandis que le gui, appelé le rameau d’or par Virgile dans son Énéide, permet de pénétrer et de ressortir vivant du royaume des morts.
Rejeton du sang des dieux, Troyen fils d’Anchise, facile est la descente à l’Averne : nuit et jour est ouverte la porte du noir Pluton. Mais revenir sur ses pas, sortir et parvenir à l’air d’en haut, c’est la grande affaire, c’est la vraie épreuve[1].
Il est facile de pénétrer le monde des morts, mais en revenir est le vrai défi. Le rameau de gui est considéré en quelque sorte comme un laissez-passer pour le royaume des morts. Alors conducteur de char qui mène le cheval androcéphale renverse-t-il la mort ?
Figurée ici comme un personnage ailé.
LE RAMEAU D’OR
Sur une autre monnaie le conducteur de char tient une branche dans sa main avec trois rameaux. Sur ces derniers sont figurés trois boules.
Statère Vénète, Ier siècle av. J.-C., Cheval androcéphale, conduit par un aurige tenant les rênes et une branche dont les rameaux sont terminés par trois points, à laquelle est attaché un étendard carré et frangé. La roue du char est visible. Sous le cheval, un personnage allongé, muni d »une aile déployée, un crochet partant de sa jambe. Source : numisbids.com
Le gui qui reste vert même en hiver est un symbole d’immortalité. Les baies devenues blanches et translucides en décembre se constituent en groupe de trois.
Morphologie des baies de gui. Source : biologie.ens-lyon.fr
Ce qui signifie que non seulement le conducteur du char tient un rameau de gui dans sa main pour pénétrer le royaume des morts, mais il renverse la mort pour en ressortir. Le passage d’une vie vers une autre.
LES DRUIDES ET LA MORT
L’image sur cette monnaie illustre bien la phrase que disent les druides : la mort n’est que le milieu d’une longue vie.
Vous aussi poètes, vous qui avez par vos louanges conduit à l’éternité les âmes courageuses de ceux qui sont morts au combat, vous qui sans peur avez répandu de nombreux chants, vous les bardes. Et vous druides qui une fois la guerre terminée vous avez repris vos rites barbares et votre sinistre coutume des sacrifices. À vous seuls il a été donné de connaître les dieux, les divinités du ciel, à vous seuls il a été donné de les ignorer. Vous habitez au fond des forêts dans des bois reculés. Pour vous les ombres ne recherchent pas les demeures silencieuses de l’Erèbe ni le blême royaume souterrain de Pluton. Un même souffle dirige nos membres dans un autre monde. Si vous chantez la vérité, la mort est le milieu d’une longue vie. Ils sont donc heureux dans leur erreur ces peuples que regarde la Grande Ourse : la plus grande peur, celle de la mort, ne les accable pas. À cause de cela il y a chez les hommes un esprit enclin à prendre les armes, des âmes capables de mourir et l’idée qu’il est lâche d’épargner une vie qui doit renaître[2].
Comme le mythe est perdu, on ne connaîtra sans doute jamais la réelle identité du cheval androcéphale. Il reste un espoir : le chaudron de Gundestrup
Voir à ce propos SAISON 2 ANNEXE 27 Le cheval androcéphale de Celtes et le Maître des animaux
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Image mise en avant :
Centaure, à gauche, tenant un globe dans la main droite et une massue dans la main gauche. Empire romain. Gallien (253-268 apr. J.-C.). Source : catawiki.com
NOTES :
[1] Vigile, L’Énéide, Chant VI, 124-148, Traduction Paul Veyne, Albin Michel / Les Belles Lettres, Paris, 2012.
[2] Lucain, I, 447 – 462.